>>> Biographie, bibliographie 

Des jalons, des repères…

L’ÉDITION ET LE STATUT DE L’ÉCRIVAIN

        
L’Anti-Éditeur, 1976

" L’écrivain n'a pas à se « libérer » de son producteur, de son éditeur ; c’est comme si, après avoir démontré que la marche de l'homme dépend, entre autres, de la pesanteur, on désirait s'en défaire. Il faut qu’il prenne conscience de sa manipulation par celui qui possède le pouvoir de mettre sa voix à la portée de tous, de sa manipulation par le désir d'être édité. Prendre conscience de cette évidence et agir non contre elle, mais dans elle.
Les metteurs en scène de cinéma savent combien coûtent leur film. L’élaboration esthétique ou éthique d'un film passe pour eux, visiblement et nettement, par des impératifs de coût de production et de distribution. L’écrivain, traditionnellement, ignore tout de l'édition, se moque éperdument du prix de revient de l'impression d'un livre, et trouvera complètement inutile pour sa vie intérieure, de savoir qu'un livre de grandeur moyenne, tiré à 10.000 exemplaires, revient à environ 40.000 francs. Il se croit libre, croit travailler en dehors de ce qu’il appelle les « contingences matérielles », sans se douter qu’elles agissent en fait sur lui. Significative, exemplaire est une remarque de Jean Dutour : on essayait de lui démontrer que son éditeur le volait, il répondait : « les écrivains sont des princes et les princes ont été de tous temps volés par leurs intendants, mais de tous temps, aussi, grands seigneurs, ils ont laissé faire ». L’industrie du livre est-­elle encore au stade féodal ? Les écrivains le croient ; les éditeurs, eux, savent bien qu’ils sont déjà à l’âge capitaliste... Ecrire était une occupation de prince, puis ce fut une opération de rentier ou de grand bourgeois bien doté. C’est actuellement un hobby de professeur bien nourri : second métier violon pour le plaisir d’Ingres... Viennent peut-être maintenant des générations d’écrivains qui veulent exercer ce métier sans être princes ou rentiers. Mais celui qui écrit souffre (ou jouit) encore de son mythe : un rêveur, quelqu'un distancié de son monde ; sage contemplateur hautain, il lui est malsain de se pencher sur des chiffres, sur le « marché », qu'idéaliste il appelle l’enveloppe de son texte, sans voir que c'est aussi cette économie du livre qui griffonne l’économie de son texte. "

TAUROMACHIES

“ Les tauromachies – c’est à dire le rapport intime de l’humain avec un taureau – sont au cœur de mon histoire, de mes vies, en  miroir avec tout ce que j’écris…  ”

Torero d’or
Hachette 1981, nouvelle édition chez Robert Laffont 1992…

Un homme et une femme regardent la corrida, analysent les vies, les comportements et l’éthique des toreros...


Toros de mort
Le Rocher, 2000

Les toros de corrida parlent, racontent de leur point de vue, analysent dans leur logique : et ce sont, en définitive, tous les animaux qui regardent et dissèquent les odeurs ou les cris de l’humanité...

“ C’est l’ouvrage fondamental, la référence de tout ce que j’ai tenté d’écrire : voir la vie d’un autre point de vue que celui de la “normalité” - pour nous de l’“humanité” -, avec une autre langue, un autre œil, une autre odeur, une autre pensée... Et, là, avec la gageure d’essayer de contourner tout anthropomorphisme ! On en retrouve l’écho dans le point de vue d’un pharaon mort (Le Rire du Pharaon), celui de microbes (Une journée d’Hélène Larrivière), celui d’un ange invisible (Tout Ange est terrible), ou carrément le point de vue de Dieu (Zeus et la Bêtise humaine).”)

Extrait
Nous tous – disent les taureaux – nous venons de terres du côté où le soleil se lève, de là où le soleil monte, le matin, rose et noyé par les joncs. Nous sommes issus de ces immenses troupeaux de là-bas, et, en des temps qui n'existent plus, nous allâmes vers les terres de là où le soleil meurt, rouge et sanglant sur les montagnes. En ces temps impensables, nous allâmes de ce que les humains nomment l’Est vers ce qu'ils nomment l’Ouest, nous les puissants aurochs au frontal frisé, aux pattes poilues, aux yeux exorbités, nous de toutes les couleurs de l’arc-­en-ciel, nous avons suivi, de génération en génération, la courbe du soleil. Et, aujourd'hui encore, dans l’étroitesse de nos champs et marqués de l'odeur de l'homme, toujours nous suivons, en nos petits parcours, cette courbe du soleil sous les cieux.

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© François Coupry, 2012